jeudi 5 juillet 2012

BH-A quoi peut bien rêver un officier de réserve spécialiste d’Etat-major ? (2/2)-Jacques Soulhier

Alors à quoi peut donc rêver donc un OR, diplômé d’Etat-Major ?

Comme toujours, plus que jamais, à pouvoir être engagé, vraiment, lors de contrats courts, prévisibles, sur des objectifs précis et des missions déterminées, au profit d’un régiment, d’une brigade, d’un service, d’une force, aux côtés de l’active. Plus qu’un droit à la formation qui, sauf pour certains de nos camarades fonctionnaires, viendrait se substituer à leurs prérogatives civiles, c’est de CDD pour nous et nos soldats, auxquels nous pourrions penser.

A l’heure où une vie civile procède par successions de modules, où les temps d’activité se dissocient, notre vie militaire est le complément d’une carrière commencée ailleurs, autrement. Le dispositif actuel permet cette transition assez facilement, les régimes étant très dissociés, la garantie d’une égalité de traitement entra active et réserve en étant la pierre angulaire. Un des freins majeurs à cet emploi est qu’un chef de corps qui choisit aujourd’hui d’employer un OR le fera sur le budget de ses composantes réserves, et non sur celui de son régiment. Les ressources ainsi mobilisées feront alors défaut aux unités, réserves, ce sans réciprocité. Le clivage entre un complément individuel, dévolu à l’active et les unités de réserve, travaillant entre elles, à leur profit,  n’en devient que plus fort. Cette ambiguïté ne contribue pas à une bonne appréciation mutuelle de l’active et de la réserve.

Si le souvenir de la réserve « chevelue » s’estompe peu à peu, les cadres issus du contingent, ayant l’expérience du corps de troupe, eux aussi se raréfient. Ils partageaient, avec nombres de leurs camarades d’active, cette origine commune, et 5 mois de d’école. Ils garantissaient une acculturation, la persistance de valeurs communes, dont les plus basiques, (par exemple : le sport et le chant), ont du mal à survivre. Cette connaissance doit être dépassée en organisant des missions communes, en maintenant un ratio de réservistes présents en permanence dans les unités d’active.  

Missions, intégration, et idées reçues

En dehors de Vigipirate (j’ai effectué ma première patrouille en 1987) et d’Héphaïstos, quelles missions, aujourd’hui pour la réserve ? Des exercices ANTARES, pour la joie réelle de voir naître le sourire et l’étoile d’un colonel ? Quelques exercices OTAN, car nous maitrisons les systèmes d’information et parlons anglais?

Depuis 1995, nous sommes autorisés à partir en Opex. Beaucoup d’entre nous ont choisi d’être officier de réserve pour cela, partir, au plus loin, au temps fort, porter les armes de notre pays, et nous sommes quelques uns à avoir pu le faire. A deux conditions majeures : avoir un savoir-faire civil à mettre en valeur, et le faire en individuel. La Yougoslavie a été ainsi le théâtre d’une nouvelle complémentarité entre expertises civiles et nécessités militaires. Peu d’entre nous sont partis en unités constituées, en sections, en groupes, même si cela a été le plus souvent une réussite. Pourtant, dans l’esprit de nos camarades d’active, le succès ne se mesure qu’à l’aune individuelle, le plus souvent en opposition avec d’autres exemples. La phrase type, si souvent entendue : « Lorsque j’ai vu Macheprot, je ne me serais jamais douté qu’il était réserviste » démontre plusieurs choses :

-          Que les préjugés négatifs sont tenaces ;
-          Que la spécificité de notre statut est mal connue ;
-          Que la seule réussite pour nous serait d’être considéré comme un personnel d’active, d’abord, bon, peut-être, ensuite, et individuellement.

Elle ne rassure que les personnels d’active, appréciant assez peu d’être mis en concurrence avec des « civils ». Devoir taire son statut de réserviste, comme il nous est le plus souvent conseillé, équivaut à nous demander ne nous mettre d’emblée dans une posture déloyale, de silence, de défiance, de mensonge. Cela est parfois possible, voire nécessaire. Le plus souvent, non.  

Viens alors la phrase classique, entachée des plus vils soupçons : « Si ca vous plait tant que çà, (de faire notre travail), pourquoi ne vous êtes vous pas engagés ? ». Les réponses sont multiples, chacun développera la sienne, mais la nécessité de pouvoir compter sur des composantes de réserve intégrées et opérationnelles nécessite de combattre, à nouveau, ces préjugés. La meilleure façon de le faire, sera de reconnaître la spécificité de la réserve militaire : celle de préparer, en temps ordinaire, l’engagement extraordinaire. L’histoire démontre sa récurrence, et partant, notre raison d’être.   

Développons les missions communes de l’armée de terre (MICAT), qui seraient susceptibles d’être les nôtres dans les contextes de crise qui pourraient subvenir. A défaut d’Afghanistan, nous sommes nombreux à avoir acquis dans les Balkans, en Afrique, aux côtés de nos camarades d’active les connaissances de la gestion d’une  crise. Le combat en zone urbaine, la protection des populations civiles, le rétablissement des infrastructures et des fluides, sont des missions probables pour des guerres possibles ici, réelles ailleurs. En métropole, plutôt que l’acquisition de savoir-faire complexes, sur des matériels de plus en plus onéreux et rares, que nous ne servirons jamais, (ils seront détruits avec leurs personnels lorsqu’on nous engagera),  privilégions les missions de type reconnaissance, ouverture, jalonnement  d’itinéraires, protection de sites sensibles, défense de zone. Les actions de types civilo-militaires, ou au profit des médias sont aussi susceptibles de nous être demandées. Le combat urbain, gourmand en hommes, est le cas le plus probable de notre emploi futur.  

Il n’y a pas aujourd’hui de cadre d’emploi spécifique pour acquérir, mettre en valeur ces compétences, sous la forme par exemple d’unités territoriales, pas de scénarios de crise, de missions partagées avec une active libérée alors de contraintes souvent secondaires, ce en dehors de la volonté de quelques chefs de corps. Ce ne serait pourtant pas le plus coûteux.

Il serait sans doute nécessaire aussi que les officiers de complément individuels soient gérées par un organisme centralisé, tant les parcours, origines et carrières restent disparates et non réellement suivies.

Un combat du temps ordinaire

Peu d’entre nous viennent dans la réserve pour voir pousser tranquillement de nouveaux galons sur leurs épaules le week-end, pendant que leurs cadres et gradés tentent de remettre la main sur nos matériels partis renforcer une carence du temps ordinaire. 

Nos soldats viennent pour apprendre le métier des armes, en plus de leur vie civile, parce que conscients d’être citoyens et militaires, parce que leur vie leur demande de faire face et qu’ils veulent le faire : tout simplement, s’inscrire dans un cercle vertueux. Aujourd’hui, de plus en plus, la solde du week-end aide nos volontaires, en des temps où pour beaucoup s’employer est un combat de tous les jours. Et puis nos soldats ne sont, ni plus,  ni moins, que des soldats, qui comme tous soldats rêvent aussi un jour de pouvoir en découdre. Remobilisons nous, ensemble.

Nous en serons tous victorieux.

2 commentaires:

  1. Oui, trois fois oui! Parfaitement réel la situation dans laquelle il ne vaut mieux pas insister sur son statut de "réserviste", terme éminement péjoratif!
    Quant au CDD, les chefs y pensent de plus en plus. Mais il faut convaincre Bercy, qui essaie par tous les moyens de s'y opposer, bien sûr!

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  2. Une des questions les plus souvent posée par les militaires d'actives : Combien tu touches par jour ? Ne pas répondre entretient le mythe selon lequel on touche plus qu'eux (les vrais pro !) et répondre favorise l'idée que nous sommes des "engagés gamelles". L'intégration fonctionne bien sur le long terme mais il faut se débarrasser des idées préconçues.

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